A LIRE ATTENTIVEMENT ET INTÉGRALEMENT
A PROPORTION DE L’IMPORTANCE DE L’OBJECTIF A ATTEINDRE
Voici que nous avons vécu des mois entraînant une forte dose d’espérance au milieu d’un monde qui suscite si souvent la morosité.
En effet, un impressionnant mouvement s’est développé en France.
Impressionnant par le nombre et la variété de ses participants.
Impressionnant par la diversité et la répétition de ses manifestations semblant heureusement contredire ce que le Cardinal de Richelieu écrivait des Français.[1]
Impressionnant par l’opportunité des objectifs que ce mouvement s’est fixés. En effet il est soucieux de rassembler le maximum de Français autour de la défense d’objectifs chronologiquement prioritaires, condition du maintien d’une civilisation digne de ce nom : l’union pour la préservation de points fondamentaux de la Loi Naturelle. C’est là, on le sait, un souci bien souvent exprimé par les derniers Souverains Pontifes.
Cela dit, suffit-il de défiler même de façon aussi massive et qualitative, de « veiller » de façon aussi diversifiée pour parvenir au but ?
Les faits sont là pour nous donner la réponse : la loi Taubira n’est pas abolie.
Les actions menées ont été très utiles pour éveiller ou réveiller les consciences mais ne suffisent ni à nous donner pleine bonne conscience, ni à nous procurer la victoire.
Cependant, en ce « printemps français », « nous ne lâcherons rien », « nous ne lâcherons jamais » nous dit-on.
Sans doute et c’est très bien. Mais alors, que comptez-vous faire de plus ?
« Nous efforcer de trouver les façons les plus efficaces de faire fructifier au maximum le capital de justes prises de conscience ainsi mis à jour », nous répond-on.
Certainement.
Mais à condition de ne pas oublier un point essentiel en tout cela à savoir que « Le succès de chacune de nos actions dépend de la Providence Divine » (St Thomas d’Aquin)[2]
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Et la Providence divine se plaît à nous indiquer quelles dispositions Elle désire trouver en nous pour nous accorder la victoire.
Où donc ?
Essentiellement dans la Sainte Ecriture puisque « Tout ce qui a été écrit par avance a été écrit pour notre instruction ». (Rom XV.4)
Ainsi reportons-nous à un épisode qui présente quelque analogie avec la situation que nous vivons, épisode remontant au XII° siècle avant Jésus-Christ : l’histoire de Gédéon.
Dieu avait suscité ce Juge afin de vaincre une armée de Madianites forte de plus de cent mille hommes (selon les chiffres fournis par les méthodes de comptabilité les plus fiables). Ces Madianites razziaient régulièrement les territoires où vivait le peuple de Dieu. Gédéon avait réuni une armée de 32 000 hommes. Mais Dieu lui demanda d’écarter la quasi-totalité de ceux-ci pour n’en garder que trois cents face au nombre écrasant de Madianites.
Pour quelles raisons ?
Sans aucun doute afin que les Juifs ne puissent pas s’attribuer la gloire de la victoire. Mais il y a à cela une autre raison importante. Dieu veut manifester par là quelles dispositions Il désire trouver chez ceux qu’Il emploie à son service afin de leur procurer le succès.
Et donc, qui Dieu a-t-il écarté du combat ? Ceux qui ne luttaient pas contre leur peur et ceux qui étaient trop attachés à leurs aises.
De cette façon, a contrario, Dieu manifeste quelles qualités Il se plaît à trouver en ceux à qui Il veut donner la victoire : le courage en s’appuyant sur Lui et la domination sur les passions qui amollissent.
Aussi serons-nous de ces 31 700 hommes écartés par Dieu ou bien de ces 300 qui batailleront et à qui Dieu donnera la victoire ?
Soit dit en passant, il n’est même pas nécessaire pour vaincre de déployer trois cents volontaires puisque « C’est chose facile qu’une multitude soit enfermée dans les mains d’un petit nombre ; aux yeux du ciel il n’y a pas de différence à sauver par un grand nombre ou un petit nombre. Car la victoire dans les combats ne vient pas de la multitude des soldats, mais c’est du ciel que vient la force ». (I-Mac.III.18.19)
Il reste que Dieu se plaît ordinairement à exiger une participation humaine en vue du bon aboutissement des entreprises.
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Que faire donc pour que nous puissions être comptés parmi ceux dont la fidélité touchera le cœur de Dieu et l’inclinera à donner succès à une cause qui, avant d’être la nôtre, est d’abord la sienne ?
La réponse nous la trouvons dans les exemples de Sainte Jeanne d’Arc que Dieu, à travers son Eglise, a voulu donner comme patronne à la France et donc comme modèle aux Français après la Très Sainte Vierge Marie et avec Sainte Thérèse de Lisieux.
Mais pourquoi proposer plus particulièrement la Sainte de Domrémy comme modèle aux Français qui aujourd’hui veulent contribuer à rétablir la situation ?
Parce que le combat direct pour la défense de la Loi naturelle ressort du champ de compétence des laïcs, gardiens de l’ordre temporel. Or Sainte Jeanne d’Arc a été suscitée pour la défense de cet ordre temporel, et cela à une époque où il était particulièrement menacé. Cet ordre étant aujourd’hui bafoué jusque dans ses racines, les exemples que nous trouvons dans la vie de la sainte jeune fille revêtent une singulière opportunité[3] non seulement pour les laïcs du monde entier[4], mais plus spécialement pour les Français.[5]
En effet, qu’est-ce qui entraîne le plus souvent les défaites, sinon les défauts des hommes ? Et s’il en est qui sont propres à tous, quelle que soit la nationalité de chacun, il en est qui sont spécifiques à chaque peuple. Par ses exemples, Sainte Jeanne d’Arc nous montre quelles vertus nous devons pratiquer non seulement pour lutter contre les défauts qui guettent tout homme mais aussi contre ceux qui nous sont plus spécifiques, à nous autres, Français. Et c’est la mise en œuvre de ces vertus qui est de nature à incliner le cœur de Dieu à nous procurer le succès.
Dans cette logique il importe de bien remarquer ce qu’a été le premier effort que Jeanne a demandé à ses hommes avant d’engager quelque lutte que ce soit.
A Blois leur a été donné un certain nombre de prédications, une sorte de retraite en l’occurrence. Grâce à cela ils ont pu mettre en œuvre de façon éclairée les résolutions nécessaires à l’obtention de la victoire, laquelle leur sera effectivement accordée dans une situation humainement désespérée. De fait, les soldats ont alors quitté Blois dans la joie et les chants et ont connu un premier triomphe en délivrant Orléans.
Voilà donc un premier exemple qui nous est proposé avec une particulière acuité et opportunité.
Dans cette si importante perspective nous vous invitons à venir ou à revenir participer aux retraites que notre Fraternité prêche à l’école de Saint Ignace et des saints de France, spécialement de celle de la sainte de la patrie. Ainsi, les formules : « nous ne lâcherons rien » ou « nous ne lâcherons pas » auront plus de chances de ne pas se réduire à de simples incantations.
Et si comptent avant tout aux yeux de Dieu les dispositions intérieures que de telles retraites aident à acquérir, à rétablir ou à augmenter, peu importe que nous soyons encore dans la vie active ou non.[6]
« N’ayez pas peur » proclamait le Bienheureux Pontife Jean-Paul II, suivi par ses successeurs Benoît XVI et le pape François. Aussi sachons balayer les vaines objections qui se présentent fréquemment à l’esprit : « cinq jours, c’est trop long » ; « j’aurai le temps plus tard » ; « ce n’est pas ma spiritualité » ; « je ne me sens pas prêt »… etc…
De plus, suivre l’exemple proposé par Jeanne sera pour nous le moyen de ne pas gaspiller le capital de civilisation que le labeur et les sacrifices de nos ancêtres nous ont légué.[7]
Et puis ce sera là excellente façon de répondre aux attentes de l’Eglise telles que les derniers papes s’en sont fait l’écho non seulement pour le bien de la France mais aussi pour celui de toute l’Eglise.[8]
Peut-être le renversement de la situation ne dépend-il que de vous…
Souvenons-nous qu’au temps du prophète Jérémie, s’il y avait eu une seule âme de bonne volonté à Jérusalem, Dieu aurait épargné la ville,[9] lui qui aime à intervenir lorsque humainement parlant la situation apparaît désespérée.[10]
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Enfin, c’est maintenant le moment de nous rappeler que Sainte Jeanne d’Arc n’est pas seulement notre modèle. Elle est également pour nous une aide puissante… Et si aux dires de la Sainte elle-même, à son époque Dieu faisait miséricorde à Orléans eu égard aux prières de Charlemagne et de Saint Louis[11], à combien plus forte raison viendra-t-il présentement à notre aide puisque Jeanne a été proclamée patronne de la France par l’Eglise. Et comme ce que l’Eglise lie sur la terre est lié dans le ciel, la Divine Providence pourvoit Jeanne de tous les moyens propres à remplir sa tâche de protectrice de notre patrie.
De même que Jeanne devant Saint-Pierre-le-Moûtier se risqua avec quelques hommes seulement devant les murailles de la ville sachant qu’elle était puissamment assistée par les forces célestes,[12] elle ne peut pas ne pas aider invisiblement mais efficacement les âmes de bonne volonté, si peu nombreuses soient-elles, dans leurs tâches au service de la France et de l’Eglise selon les paroles du Vénérable Pie XII :
« S’il peut sembler un moment que triomphent l’iniquité, le mensonge et la corruption, il vous suffira de faire silence quelques instants et de lever les yeux au ciel, pour imaginer les légions de Jeanne d’Arc qui reviennent, bannière déployée pour sauver la patrie et sauver la foi ».
(Radio message du 25 juin 1956)
N’est-il pas d’ailleurs légitime de penser que les manifestations en nombre et en qualité inespérés de ces derniers mois, faisant suite au 600ème anniversaire de la naissance de notre sainte, ne constituent déjà les premiers fruits de son intercession ?
Alors poursuivons notre effort et rendez-vous avec Jeanne pour une prochaine retraite près de Blois !
Abbé Jean-Pierre GAC
[1] « Toutes les affaires de France n’ont rien de chaud que les commencements ». Testament politique
[2] Somme contre les Gentils . Livre III. Ch. 135
[3] Si l’Eglise a attendu cinq siècles pour canoniser Jeanne d’Arc, ce n’est pas sans raison car, comme le faisait remarquer le Bienheureux Jean-Paul II : « Lorsque l’Eglise offre un exemple de vie aux fidèles, elle le fait en raison des besoins particuliers de l’époque où est faite cette proclamation » (15 mai 1985)
[4] « La libération de son peuple est une œuvre de justice humaine que Jeanne accomplit dans la charité, par amour de Jésus. Elle est un bel exemple de sainteté pour les laïcs engagés dans la vie politique, en particulier dans les situations les plus difficiles. » (Benoît XVI. 26 janvier 2010)
[5] « Jeanne d’Arc se présente ainsi aux chrétiens de notre temps comme un modèle de foi, solide et agissante, de docilité à une mission très haute, de force au milieu des épreuves. Mais son exemple doit être spécialement éloquent pour vous, fils bien aimés, dont la patrie a mérité, en vertu d’un appel divin, de renaître en un moment si difficile. (Vénérable Pie XII. radio message 25 juin 1956)
« Vous célébrez cette année le sixième centenaire de la naissance de Jeanne d’Arc. (…). Vous avez en elle un modèle de sainteté laïque au service du bien commun. » (Benoît XVI. Discours à des évêques de France. 21 septembre 2012).
[6] Dans un traité adressé à Charles VII en 1429 et destiné à exhorter le roi à faire confiance à la Pucelle après la délivrance d’Orléans, l’archevêque d’Embrun, Jacques Gélu écrivait : « Nous pouvons cependant entrevoir quelques uns des motifs qui, il est permis de le croire, ont incliné la divine clémence à opérer ces merveilles ». Et parmi ceux-ci il compte : « les supplications des personnes de piété ».
[7] « Catholiques de France, vous avez hérité d’un patrimoine considérable de foi et de tradition chrétienne. C’est ce trésor pour lequel les saints de votre pays ont tout sacrifié. (…) Les peuples qui ont reçu un très riche héritage spirituel doivent le préserver comme la prunelle de leurs yeux. Et concrètement ces nations ne préserveront un tel héritage qu’en le vivant intégralement et en le transmettant courageusement. » Jean-Paul II- Lourdes 1983
[8] Le pape Jean-Paul II avait rappelé en 1981 que la France était : « mère éducatrice des peuples ». Aussi le pape Benoît XVI a-t-il pu dire à des évêques de notre patrie : « Votre nation est riche d’une longue histoire chrétienne qui ne peut-être ignorée ou diminuée, et qui témoigne avec éloquence de cette vérité, qui configure encore aujourd’hui sa vocation singulière. Non seulement les fidèles de vos diocèses, mais ceux du monde entier, attendent beaucoup, n’en doutez pas de l’Eglise qui est en France ». Benoît XVI -17 novembre 2012.
[9] « Parcourez les rues de Jérusalem, voyez et regardez ; cherchez sur les places publiques si vous trouvez quelqu’un qui pratique la justice et recherche la fidélité : alors je ferai grâce. » Jer.V.1
[10] « Par là tous doivent apprendre (…) que c’est lorsque tout est désespéré, lorsque la prudence humaine est sans ressources que la bonté divine aime à intervenir. » Jacques Gélu-loc.cit.
[11] « Je vous apporte meilleur secours qu’il ne vous en est venu d’aucun soldat ou d’aucune cité : c’est le secours du roi des Cieux (…) qui, à la requête de Saint Louis ou Saint Charlemagne a eu pitié de la ville d’Orléans ». Sainte Jeanne d’Arc (Déposition de Dunois).
[12] « A cause du grand nombre de gens d’armes étant en la ville, de la grande force d’elle, et aussi la grande résistance que ceux de dedans faisaient, les Français furent contraints et forcés de se retirer. (…) Je vis que la Pucelle était demeurée très petitement accompagnée de ses gens ou d’autres, et ne doutant qu’inconvénient ne s’ensuivît (…) lui demandai ce qu’elle faisait là ainsi seule, et pourquoi elle ne se retirait comme les autres ; (…) elle me répondit qu’elle n’était pas seule et qu’encore avait en sa compagnie cinquante mille de ses gens et que de là ne se partirait jusqu’à ce qu’elle eût pris ladite ville. A cette heure, quelque chose qu’elle dît, elle n’avait pas avec elle plus de quatre ou cinq hommes, et ce sais-je certainement, et plusieurs autres qui pareillement la virent. (…) Incontinent la ville fut prise d’assaut, sans y trouver pour lors trop grande résistance ». Déposition de Jean d’Aulon.